Louis XIV obtint l'alliance du duc de Savoie
qui autorisa le libre passage à travers ses États et donna l'appui de son
armée. Les princes électeurs de Bavière et de Cologne et le Portugal s’allièrent
eux aussi au roi de France.
Dès les
premières opérations militaires de 1701 et 1702, en Italie, les armées
françaises, conduites par Catinat puis Villeroy essuyèrent échec après échec
contre Eugène de Savoie et les troupes coalisées ; Villeroy étant même
capturé lors d’un coup de main sur Crémone.
En 1702, le
conflit s’étendit au Nord où les Français avaient érigé une série de lignes
retranchées, exploitant les rivières comme barrières et couvrant la campagne de
fossés et de parapets.
Les Alliés firent de même, en particulier le long du
Rhin. Et comme ce fut souvent le cas durant cette guerre, l’essentiel des
opérations militaires de l’année furent des sièges à Landau encerclée par Louis
de Bade et ses troupes allemandes, et Ulm pris par surprise par l’Électeur de
Bavière, Max-Emmanuel.
En Italie, Vendôme s’opposait avec plus de bonheur que
ses prédécesseurs à Eugène. En octobre, la flotte anglo-hollandaise vainquit la
flotte franco-espagnole dans la baie de Vigo. Cette victoire décida le Roi du
Portugal, Pierre II, à changer de camp et, le 16 mai 1703, il rejoignit le
Grande Alliance.
Pour ne rien
arranger, les protestants des Cévennes, les Camisards, se soulevèrent de de 1702
à 1704, réclamant un effort supplémentaire d’une armée déjà fort sollicitée.
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Eugène de Savoie menant la charge de la cavalerie alliée à Bleinheim |
N’ayant pas
réussi à l’emporter en Italie, Louis XIV décida d’ouvrir un nouveau front de
guerre en Allemagne. La bataille de Bleinheim en 1704, chef d’œuvre de
Marlborough, mit cependant un coup d’arrêt à cette stratégie, les Français
étant chassés d’Allemagne, et le duché de Bavière occupé sans coup férir.
Au cours de l’été 1705, le duc de Vendôme décida de
s’attaquer à Victor Amédée II, duc de Savoie, ce dernier ayant choisi de
rejoindre le camp des coalisés.
Eugène de Savoie, apprenant que les Français étaient
passés à l’offensive, décida alors de porter assistance à son allié. Les deux
belligérants, en août 1705, s’affrontèrent alors au cours de la bataille de Cassano. Les combats
furent particulièrement violents, mais au final les coalisés durent s’incliner.
Victorieux, les Français s’emparèrent de Nice peu de temps après, occupant
presque tous les territoires du duc de Savoie. Toutefois, en septembre 1706,
l’armée royale échoua à prendre Turin, qui resta entre les mains de Victor
Amédée II.
Après l’Allemagne, les Alliés se résolurent de prendre
les Pays-Bas espagnols aux Français en 1706. Malgré les efforts du duc de
Villeroy, ce fut une nouvelle défaite cuisante pour les troupes du Roi à Ramillies (mai 1706).
À Madrid, le
roi Philippe V fut chassé de son trône. Son concurrent l'archiduc Charles fut
proclamé roi le 1er septembre 1706.
Les armées
des Bourbons furent à nouveau défaites à Oudenarde en 1708 (Pays-Bas espagnols)
ce qui contraint les Français à évacuer la Belgique et Lille mais en infligeant
de lourdes pertes aux Alliés.
Les
frontières étaient menacées en tous points. La France était épuisée. Les
éléments se mettaient de la partie avec, le 5 janvier 1709, une chute
exceptionnelle des températures. Ce Grand Hiver entraîna de grandes famines. Louis XIV
s'humilia et sollicita la paix mais sa demande fut repoussée avec hauteur.
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La bataille de Malpaquet |
Le roi en appela
alors à la nation et lança une souscription. Il forma une nouvelle armée et la
confia au maréchal Claude de Villars qui mena campagne dans le Piémont italien.
Puis il livra bataille au prince Eugène et au duc Marlborough à Malplaquet,
dans les Flandres, le 11 septembre 1709.
L'issue de la bataille resta indécise
mais les coalisés austro-anglais subirent de si lourdes pertes qu'il n'était
plus question pour eux d'envahir la France. Pendant ce temps, le duc de Vendôme
se porta au-delà des Pyrénées et par la victoire de Villaviciosa, en décembre
1710, restaura le roi Philippe V sur le trône d'Espagne.
La chance commença
à sourire à Louis XIV. En 1712 le maréchal de Villars battit le prince Eugène à
Denain et brisa l'offensive qui se préparait en direction de Paris. En 1711,
Marlborough fut disgracié par la reine Anne qui avait succédé à son beau-frère
Guillaume III en 1701.
Surtout, en 1711, l'archiduc Charles était devenu
empereur germanique après la mort prématurée de son frère ainé Joseph Ier.
L'Angleterre ne souhaitait pas qu'il réunisse les possessions autrichiennes et
les possessions espagnoles. Les Anglais abandonnent la coalition
anti-française.
Ils proposèrent
la paix au roi Louis XIV.
C'est ainsi
que des préliminaires de paix furent conclus à Londres le 8 octobre 1711 entre
la France et l'Angleterre. Les Hollandais, craignant d'être écartés de la paix,
acceptèrent l'ouverture de négociations le 29 janvier 1712 à Utrecht.
Mais
celles-ci furent interrompues dès le mois de mars et les opérations militaires
reprirent aussitôt. La situation de la France apparaissait alors des plus
précaires...
En effet, les places
fortes des Pays Bas espagnols étaient toutes tombées entre les mains des
coalisés.
Ce n’est que du fait des pertes
importantes de
Malplaquet, en septembre 1709, qu’ils
n’avaient pu poursuivre leur avantage dans le nord de la France.
En début d’année 1712, Eugène de Savoie
décida de lancer une nouvelle offensive contre la France (à noter qu’à cette
date l’Angleterre avait retiré ses hommes du continent.).
Au mois de mai, les
coalisés s’emparèrent de Denain, puis de Quesnoy en juin.
Louis XIV confia une nouvelle armée au
maréchal de Villars. Ce dernier décida alors d’en découdre avec les coalisés,
bloquant les ponts et marchant sur Landrecies, où se trouvait Eugène de Savoie.
Les coalisés décidèrent de renforcer la cité en appelant en renforts des
troupes stationnées à Denain.
L’ennemi étant tombé dans le piège, les
Français se dirigèrent vers Denain, qui était dès lors dégarnie.
Les coalisés, surpris, furent repoussés, et
Eugène de Savoie ne se rendit compte que trop tard qu’il avait été joué.
La bataille
de Denain, au cours de laquelle l’armée de la Grande Alliance perdit
près de 8 000 hommes, fut un franc succès pour l’armée du roi de France
(24 juillet 1712).
L’année suivante, en octobre 1713, les Français
traversèrent le Rhin et s’emparèrent de Fribourg.
En fin d’année, Villars et Eugène se rencontrèrent au
château de Rastadt, où ils entreprirent la rédaction d’un projet de paix.
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Le maréchal de Villars à Denain |
La victoire de Denain permit à la France de négocier in extremis dans des
conditions favorables.
Un premier traité fut signé entre la France et
l’Angleterre, en avril 1713 ; puis un autre entre l’Espagne et
l’Angleterre, en juillet 1713.
L’Espagne fut la grande perdante de la guerre, sacrifiée
par le roi soleil au profit des puissances européennes.
En effet, l’Autriche récupéra les Pays Bas espagnols,
le duché de Milan, le royaume de Naples et la Sardaigne ; le duché de
Savoie, par contre, récupéra la Sicile ainsi que quelques territoires dans les
Alpes (peu de temps après, l’Autriche échangea la Sardaigne contre la Sicile
avec le duc de Savoie.). Enfin, l’Angleterre récupéra Gibraltar et Minorque.
En contrepartie, Philippe V fut reconnu comme roi
d’Espagne, et ce dernier renonça à ses droits sur la couronne de France. Les
Habsbourg renoncèrent alors à leurs droits au trône d’Espagne. Les électeurs de
Cologne et de Brandebourg, alliés à Louis XIV et privés de leurs territoires
lors de la guerre, retrouvèrent leurs États.
Louis XIV, quant à lui, fut contraint de rendre
Fribourg, Brisach et Kehl, cités dont les Français s’étaient emparés lors du
conflit. Le roi soleil devait en outre démolir les fortifications de Dunkerque,
et cesser de soutenir Jacques III, prétendant Stuart à la couronne d’Angleterre.
Enfin, le roi de France dut abandonner l’Acadie et
l’île Saint Christophe aux Anglais, consacrant un peu plus leur domination sur
le nouveau monde.
Toutefois, Louis XIV récupéra la vallée de l’Ubaye,
dans les Alpes, en échange de la vallée de Suse.
Le traité d’Utrecht, bien que consacrant la victoire
de la Grande Alliance, n’entraina pas les mêmes conséquences dans tous les pays
de la coalition. En effet, si l’Angleterre sortait grand vainqueur de
l’affrontement, les Provinces Unies étaient ruinées par la guerre,
concurrencées commercialement par la France et la Grande Bretagne. L’Autriche,
quant à elle, remportait plusieurs territoires, mais devait faire face à la
montée en puissance du duché de Prusse, érigé en royaume par Frédéric I° en 1701, en échange de
son soutien à l’Empereur germanique Léopold I.
Malgré les exploits opérationnels de Marlborough, et
plus particulièrement sa campagne de 1704, ce conflit ne s’éloigne pas de
l’archétype de la « guerre continue » que John Lynn définit par cinq
caractéristiques : le caractère indécis d’une bataille ou d’un siège, la
lenteur des opérations, le pillage des territoires ennemis pour nourrir
l’armée, l’épuisement progressif des combattants et l’importance considérable
accordée aux négociations diplomatiques (John A. Lynn, Les guerres de Louis
XIV : 1667-1714, p. 10 et 11, Perrin 2010).
La guerre se déroula sur une
grande partie de l’Europe de l’Ouest, même si le théâtre d’opérations central
resta les Flandres.
Ces fronts multiples empêchaient une concentration des
forces, encore que les Bourbons, en position centrale, disposaient d’un
avantage sur les Alliés pour transférer des troupes d’une zone à une autre.
Cette situation renforça l’importance des places fortes et des lignes
retranchées dans la stratégie globale des belligérants, elles permettaient en
effet de retarder l’ennemi le temps de l’arrivée des renforts.
De fait, la
guerre de Succession d’Espagne fut essentiellement une guerre de position et de
sièges. Aucune bataille rangée, pas même celles de Blenheim ou de Ramillies, ne
mit un terme à la guerre.
Plusieurs raisons à cela. Au premier chef, la
lourdeur de la logistique de l’époque interdisait les opérations en profondeur
qui firent le succès de l’épopée napoléonienne. Les troupes dépendaient des
fours de campagne, des convois de pain, des opérations de fourrage pour les
chevaux. A cet égard, la marche célèbre de 1704 ne fut rendue possible que par
une préparation minutieuse en terrain ami et surtout par les liquidités
considérables transportées dans les coffres de l’armée alliée pour payer les
troupes.
L’impact des saisons était aussi considérable, l’hiver bloquant tout,
de même que l’été, en Espagne où la chaleur était insupportable.
Bien
évidemment, la forte concentration de places fortifiées bastionnées et des
lignes retranchées en Flandres, en Italie du Nord et, dans une moindre mesure
en Allemagne ralentissait encore la marche des armées : il était hors de
question de laisser une place commandant toute une région derrière ses troupes.
Mais on doit aussi considérer les dissensions entre alliés. Les plans de
Marlborough ou de Villars furent souvent contrecarrés par le refus opposé par
les Hollandais ou l’Électeur de Bavière.
Il faut y ajouter les conceptions militaires de l’époque considérant
avec circonspection les batailles rangées, particulièrement Louis XIV qui
menait une guerre de cabinet préférant les sièges plus sûrs.
Et enfin, on ne
peut oublier le coût prohibitif des opérations qui ruinaient des économies
exsangues par des années de guerre et forçait parfois à choisir tel ou tel
objectif, non pour des raisons purement stratégiques, mais pour renflouer les
caisses du Royaume, comme la campagne de Villars en Allemagne en 1703.