lundi 27 juillet 2015

No Peace Without Spain





No peace without Spain ou la guerre de Succesion d’Espagne en une soirée





No Peace without Spain (ci-après NPWS) est un jeu édité par Compass Games en 2011 sur la guerre de Succession d’Espagne qui embrasa l’Europe de 1701 à 1714.

Le propos de cet article est de présenter les mécanismes du jeu et de donner mon point de vue sur son intérêt ludique et historique, outre quelques conseils stratégiques.


 





Avant toute chose, un rapide rappel historique s’impose.





Comme son nom l’indique, la guerre de Succession d’Espagne trouve son origine dans la vacance du trône espagnol. A la fin du XVIIème siècle, Charles II, dernier Habsbourg régnant sur l’Espagne était malade et sans héritier. Deux couronnes se disputaient son héritage : les Bourbons de France et les Habsbourg d’Autriche. Ces deux familles régnantes pouvant se prévaloir de liens d’alliance et de sang avec les Habsbourg d’Espagne.

Louis XIV était le fils d’Anne d’Autriche, et avait épousé Marie Thérèse (la première était la tante de Charles II, la seconde était sa sœur.). Toutes deux étaient filles aînées, or la coutume espagnole permettait aux filles aînées d’hériter du trône en l’absence de fils.

L’Empereur germanique Léopold I°, quant à lui, était le fils de Marie Anne, et avait épousé Marguerite Thérèse (la première était une autre tante de Charles II, la seconde était sa sœur.).

Léopold I°, à l’instar de Louis XIV, était lui aussi le cousin et le beau-frère du souverain espagnol.
Phlippe V proclamé roi d'Espagne

Les deux souverains revendiquaient le trône pour leur fils. Il y eu plusieurs tentatives de règlement amiables qui échouèrent toutes du fait de l’intransigeance de l’Empereur. 

Craignant le partage de son empire, Charles II décida de léguer par testament le trône au petit-fils de Louis XIV, Philippe.

Louis XIV accepta et Philippe fut couronné roi d’Espagne sous le titre de Philippe V.

Toutefois, plutôt que d’apaiser les principales puissances européennes, inquiétées par une telle hégémonie du royaume de France, Louis XIV accumula les erreurs. 

Après avoir promulgué des lettres patentes déclarant que Philippe V conservait ses droits sur la couronne de France, le Roi-Soleil envoya des troupes françaises occuper les 10 forteresses des Pays-Bas espagnols où stationnaient des troupes hollandaises depuis 1698 pour garantir la sécurité des Provinces Unies. 

Pire, il obtint du nouveau souverain d’Espagne qu’il concède l’asiento aux marchands français, leur concédant ainsi le droit exclusif de fournir les colonies espagnoles en esclaves aux dépens des commerçants britanniques et, comble de la provocation, il reconnut le fils de Jacques II, comme roi légitime de l’Angleterre à la mort de son père en 1701. Par ces actions Louis XIV ajouta au nombre de ses ennemis les Provinces Unies et l’Angleterre.
Léopold I°, qui le premier dénonça le testament de Charles II, se rapprocha de l’Angleterre et des Provinces Unies en septembre 1701, formant la Grande Alliance de La Haye.
Louis XIV obtint l'alliance du duc de Savoie qui autorisa le libre passage à travers ses États et donna l'appui de son armée. Les princes électeurs de Bavière et de Cologne et le Portugal s’allièrent eux aussi au roi de France.
Dès les premières opérations militaires de 1701 et 1702, en Italie, les armées françaises, conduites par Catinat puis Villeroy essuyèrent échec après échec contre Eugène de Savoie et les troupes coalisées ; Villeroy étant même capturé lors d’un coup de main sur Crémone.
En 1702, le conflit s’étendit au Nord où les Français avaient érigé une série de lignes retranchées, exploitant les rivières comme barrières et couvrant la campagne de fossés et de parapets. 

Les Alliés firent de même, en particulier le long du Rhin. Et comme ce fut souvent le cas durant cette guerre, l’essentiel des opérations militaires de l’année furent des sièges à Landau encerclée par Louis de Bade et ses troupes allemandes, et Ulm pris par surprise par l’Électeur de Bavière, Max-Emmanuel.

 En Italie, Vendôme s’opposait avec plus de bonheur que ses prédécesseurs à Eugène. En octobre, la flotte anglo-hollandaise vainquit la flotte franco-espagnole dans la baie de Vigo. Cette victoire décida le Roi du Portugal, Pierre II, à changer de camp et, le 16 mai 1703, il rejoignit le Grande Alliance.

Pour ne rien arranger, les protestants des Cévennes, les Camisards, se soulevèrent de de 1702 à 1704, réclamant un effort supplémentaire d’une armée déjà fort sollicitée.
Eugène de Savoie menant la charge de la cavalerie alliée à Bleinheim
N’ayant pas réussi à l’emporter en Italie, Louis XIV décida d’ouvrir un nouveau front de guerre en Allemagne. La bataille de Bleinheim en 1704, chef d’œuvre de Marlborough, mit cependant un coup d’arrêt à cette stratégie, les Français étant chassés d’Allemagne, et le duché de Bavière occupé sans coup férir.
Au cours de l’été 1705, le duc de Vendôme décida de s’attaquer à Victor Amédée II, duc de Savoie, ce dernier ayant choisi de rejoindre le camp des coalisés.
Eugène de Savoie, apprenant que les Français étaient passés à l’offensive, décida alors de porter assistance à son allié. Les deux belligérants, en août 1705, s’affrontèrent alors au cours de la bataille de Cassano. Les combats furent particulièrement violents, mais au final les coalisés durent s’incliner. Victorieux, les Français s’emparèrent de Nice peu de temps après, occupant presque tous les territoires du duc de Savoie. Toutefois, en septembre 1706, l’armée royale échoua à prendre Turin, qui resta entre les mains de Victor Amédée II.
Après l’Allemagne, les Alliés se résolurent de prendre les Pays-Bas espagnols aux Français en 1706. Malgré les efforts du duc de Villeroy, ce fut une nouvelle défaite cuisante pour les troupes du Roi à Ramillies (mai 1706).
À Madrid, le roi Philippe V fut chassé de son trône. Son concurrent l'archiduc Charles fut proclamé roi le 1er septembre 1706.
Les armées des Bourbons furent à nouveau défaites à Oudenarde en 1708 (Pays-Bas espagnols) ce qui contraint les Français à évacuer la Belgique et Lille mais en infligeant de lourdes pertes aux Alliés.
Les frontières étaient menacées en tous points. La France était épuisée. Les éléments se mettaient de la partie avec, le 5 janvier 1709, une chute exceptionnelle des températures. Ce Grand Hiver entraîna de grandes famines. Louis XIV s'humilia et sollicita la paix mais sa demande fut repoussée avec hauteur.
La bataille de Malpaquet
Le roi en appela alors à la nation et lança une souscription. Il forma une nouvelle armée et la confia au maréchal Claude de Villars qui mena campagne dans le Piémont italien. Puis il livra bataille au prince Eugène et au duc Marlborough à Malplaquet, dans les Flandres, le 11 septembre 1709. 

L'issue de la bataille resta indécise mais les coalisés austro-anglais subirent de si lourdes pertes qu'il n'était plus question pour eux d'envahir la France. Pendant ce temps, le duc de Vendôme se porta au-delà des Pyrénées et par la victoire de Villaviciosa, en décembre 1710, restaura le roi Philippe V sur le trône d'Espagne.
La chance commença à sourire à Louis XIV. En 1712 le maréchal de Villars battit le prince Eugène à Denain et brisa l'offensive qui se préparait en direction de Paris. En 1711, Marlborough fut disgracié par la reine Anne qui avait succédé à son beau-frère Guillaume III en 1701.

 Surtout, en 1711, l'archiduc Charles était devenu empereur germanique après la mort prématurée de son frère ainé Joseph Ier. L'Angleterre ne souhaitait pas qu'il réunisse les possessions autrichiennes et les possessions espagnoles. Les Anglais abandonnent la coalition anti-française.
Ils proposèrent la paix au roi Louis XIV.
C'est ainsi que des préliminaires de paix furent conclus à Londres le 8 octobre 1711 entre la France et l'Angleterre. Les Hollandais, craignant d'être écartés de la paix, acceptèrent l'ouverture de négociations le 29 janvier 1712 à Utrecht. 

Mais celles-ci furent interrompues dès le mois de mars et les opérations militaires reprirent aussitôt. La situation de la France apparaissait alors des plus précaires... 
En effet, les places fortes des Pays Bas espagnols étaient toutes tombées entre les mains des coalisés.

Ce n’est que du fait des pertes importantes de Malplaquet, en septembre 1709, qu’ils n’avaient pu poursuivre leur avantage dans le nord de la France. 
En début d’année 1712, Eugène de Savoie décida de lancer une nouvelle offensive contre la France (à noter qu’à cette date l’Angleterre avait retiré ses hommes du continent.). 

Au mois de mai, les coalisés s’emparèrent de Denain, puis de Quesnoy en juin.
Louis XIV confia une nouvelle armée au maréchal de Villars. Ce dernier décida alors d’en découdre avec les coalisés, bloquant les ponts et marchant sur Landrecies, où se trouvait Eugène de Savoie. Les coalisés décidèrent de renforcer la cité en appelant en renforts des troupes stationnées à Denain.
L’ennemi étant tombé dans le piège, les Français se dirigèrent vers Denain, qui était dès lors dégarnie.
Les coalisés, surpris, furent repoussés, et Eugène de Savoie ne se rendit compte que trop tard qu’il avait été joué.
La bataille de Denain, au cours de laquelle l’armée de la Grande Alliance perdit près de 8 000 hommes, fut un franc succès pour l’armée du roi de France (24 juillet 1712).
L’année suivante, en octobre 1713, les Français traversèrent le Rhin et s’emparèrent de Fribourg. 
En fin d’année, Villars et Eugène se rencontrèrent au château de Rastadt, où ils entreprirent la rédaction d’un projet de paix.
Le maréchal de Villars à Denain
La victoire de Denain permit à la France de négocier in extremis dans des conditions favorables.
Un premier traité fut signé entre la France et l’Angleterre, en avril 1713 ; puis un autre entre l’Espagne et l’Angleterre, en juillet 1713.
L’Espagne fut la grande perdante de la guerre, sacrifiée par le roi soleil au profit des puissances européennes.

En effet, l’Autriche récupéra les Pays Bas espagnols, le duché de Milan, le royaume de Naples et la Sardaigne ; le duché de Savoie, par contre, récupéra la Sicile ainsi que quelques territoires dans les Alpes (peu de temps après, l’Autriche échangea la Sardaigne contre la Sicile avec le duc de Savoie.). Enfin, l’Angleterre récupéra Gibraltar et Minorque.
En contrepartie, Philippe V fut reconnu comme roi d’Espagne, et ce dernier renonça à ses droits sur la couronne de France. Les Habsbourg renoncèrent alors à leurs droits au trône d’Espagne. Les électeurs de Cologne et de Brandebourg, alliés à Louis XIV et privés de leurs territoires lors de la guerre, retrouvèrent leurs États.
Louis XIV, quant à lui, fut contraint de rendre Fribourg, Brisach et Kehl, cités dont les Français s’étaient emparés lors du conflit. Le roi soleil devait en outre démolir les fortifications de Dunkerque, et cesser de soutenir Jacques III, prétendant Stuart à la couronne d’Angleterre.
Enfin, le roi de France dut abandonner l’Acadie et l’île Saint Christophe aux Anglais, consacrant un peu plus leur domination sur le nouveau monde. 
Toutefois, Louis XIV récupéra la vallée de l’Ubaye, dans les Alpes, en échange de la vallée de Suse.
Le traité d’Utrecht, bien que consacrant la victoire de la Grande Alliance, n’entraina pas les mêmes conséquences dans tous les pays de la coalition. En effet, si l’Angleterre sortait grand vainqueur de l’affrontement, les Provinces Unies étaient ruinées par la guerre, concurrencées commercialement par la France et la Grande Bretagne. L’Autriche, quant à elle, remportait plusieurs territoires, mais devait faire face à la montée en puissance du duché de Prusse, érigé en royaume par Frédéric I° en 1701, en échange de son soutien à l’Empereur germanique Léopold I.
Malgré les exploits opérationnels de Marlborough, et plus particulièrement sa campagne de 1704, ce conflit ne s’éloigne pas de l’archétype de la « guerre continue » que John Lynn définit par cinq caractéristiques : le caractère indécis d’une bataille ou d’un siège, la lenteur des opérations, le pillage des territoires ennemis pour nourrir l’armée, l’épuisement progressif des combattants et l’importance considérable accordée aux négociations diplomatiques (John A. Lynn, Les guerres de Louis XIV : 1667-1714, p. 10 et 11, Perrin 2010).

La guerre se déroula sur une grande partie de l’Europe de l’Ouest, même si le théâtre d’opérations central resta les Flandres. 

Ces fronts multiples empêchaient une concentration des forces, encore que les Bourbons, en position centrale, disposaient d’un avantage sur les Alliés pour transférer des troupes d’une zone à une autre.

Cette situation renforça l’importance des places fortes et des lignes retranchées dans la stratégie globale des belligérants, elles permettaient en effet de retarder l’ennemi le temps de l’arrivée des renforts.

De fait, la guerre de Succession d’Espagne fut essentiellement une guerre de position et de sièges. Aucune bataille rangée, pas même celles de Blenheim ou de Ramillies, ne mit un terme à la guerre. 

Plusieurs raisons à cela. Au premier chef, la lourdeur de la logistique de l’époque interdisait les opérations en profondeur qui firent le succès de l’épopée napoléonienne. Les troupes dépendaient des fours de campagne, des convois de pain, des opérations de fourrage pour les chevaux. A cet égard, la marche célèbre de 1704 ne fut rendue possible que par une préparation minutieuse en terrain ami et surtout par les liquidités considérables transportées dans les coffres de l’armée alliée pour payer les troupes.

L’impact des saisons était aussi considérable, l’hiver bloquant tout, de même que l’été, en Espagne où la chaleur était insupportable. 

Bien évidemment, la forte concentration de places fortifiées bastionnées et des lignes retranchées en Flandres, en Italie du Nord et, dans une moindre mesure en Allemagne ralentissait encore la marche des armées : il était hors de question de laisser une place commandant toute une région derrière ses troupes. 

Mais on doit aussi considérer les dissensions entre alliés. Les plans de Marlborough ou de Villars furent souvent contrecarrés par le refus opposé par les Hollandais ou l’Électeur de Bavière.  

Il faut y ajouter les conceptions militaires de l’époque considérant avec circonspection les batailles rangées, particulièrement Louis XIV qui menait une guerre de cabinet préférant les sièges plus sûrs.

Et enfin, on ne peut oublier le coût prohibitif des opérations qui ruinaient des économies exsangues par des années de guerre et forçait parfois à choisir tel ou tel objectif, non pour des raisons purement stratégiques, mais pour renflouer les caisses du Royaume, comme la campagne de Villars en Allemagne en 1703.
 


La suite au prochain numéro...

3 commentaires:

  1. Pour le jeu, je ne sais pas car je suis de moins en moins intéressé par les stratégiques (et puis c'est idiot mais je n'aime pas les cartes point à point).
    Mais pour le résumé d'histoire, bravo !

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  2. J'arrive un peu en retard, mais bravo pour le résumé très intéressant. Ce jeu (qui m'intéresse) n'est malheureusement plus trouvable en neuf et hors de prix en occasion..
    Amicalement
    Bertrand :-)

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